Les Origines de l’Écart Salarial Entre les Sexes

Yann Costa
7 min readOct 3, 2018

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Les disparités salariales entre hommes et femmes existent depuis que les femmes sont entrées sur le marché du travail dans les années 1960. On a parfois l’impression qu’il s’agit d’un débat récent, mais les protestations pour l’égalité des revenus (“à travail égal, salaire égal”) existent depuis de nombreuses décennies. Pourtant, les femmes continuent aujourd’hui de gagner 0.80$ par dollar gagné par un homme aux Etats-Unis. Dans certains pays, les femmes tendent même à gagner moins de la moitié du salaire d’un homme à qualifications égales. Alors pourquoi, malgré toutes ces protestations, la situation n’a pas changé?

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Je propose ci-dessous une explication de ce phénomène. Je tiens à préciser qu’à aucun moment je ne donne mon opinion. Ceci est un texte factuel et descriptif qui met en exergue les réalités économiques actuelles dans notre société. Il va de soi que les valeurs de notre société (et par conséquent nos politiques économiques) ne sont en aucun cas irréversibles. Elles peuvent — et doivent — évoluer.

Affiche de propagande utilisée en 1943 aux Etats-Unis (J. Howard Miller)

De nos jours, les lois défendant l’égalité salariale hommes/femmes font généralement l’unanimité. S’y opposer peut même amener à se faire lyncher sur les réseaux sociaux. Les projets de loi visant la parité salariale sont fortement défendus par les mouvements féministes. Pourtant il s’agit là d’une idée complètement absurde d’un point de vue économique. Milton Friedman, célèbre économiste, nous explique pourquoi l’application d’une telle loi défavoriserait les femmes:

Généralement, au sujet des disparités salariales entre hommes et femmes, il existe 2 écoles de pensée:

  1. Les femmes sont moins payées car les entreprises sont dirigées par des hommes sexistes qui discriminent les femmes en tant que genre.
  2. Les femmes sont moins payées à cause de certaines caractéristiques qui les rendent moins productives (possible grossesse, force physique, gestion du stress, etc).

Ces deux hypothèses restent évidemment très discutables, mais ce sont les deux seules explications qui pourraient justifier un salaire inférieur.

Tout d’abord, il faut comprendre un très simple (et importantissime) principe économique: salaire = productivité. Cela signifie qu’un travailleur gagne au maximum la valeur qu’il produit pour son entreprise. Aucune entreprise ne peut survivre sur le long-terme si elle rémunère ses employés plus cher que leur productivité ne le permet. A partir de là, analysons l’effet d’une loi de type “à travail égal, salaire égal” (appelons cette loi TESE) sur chacun des courants de pensée:

  1. Dans le cas où les hommes sont sexistes, la loi TESE réduit à zéro le coût infligé aux patrons qui discriminent les femmes pour des raisons impertinentes. Voici pourquoi: si la réticence des hommes à engager des femmes s’explique par le sexisme, il vaut mieux que l’exercice de leurs préjugés leur coûte cher. Si tu forces un patron sexiste à payer le même salaire, peu importe s’il engage un homme ou une femme (à travail égal, salaire égal), cela ne lui coûte désormais plus rien d’engager un homme au lieu d’une femme. Cependant, si la femme est libre de rivaliser (en offrant son travail à moindre coût), le patron sexiste ne peut engager un homme que s’il est prêt à supporter un coût. Si la femme est réellement aussi productive que l’homme, le patron sexiste paie un prix pour discriminer. Ce prix n’est autre que la différence entre le salaire de l’homme et celui de la femme. Supprimer ce coût est la meilleure façon de s’assurer qu’on aura que des emplois masculins.
  2. Si les femmes sont pour quelconque(s) raison(s) considérées comme moins productives que les hommes, la loi TESE leur retire la seule arme avec laquelle elles peuvent se battre. Il s’agit là d’une idée très facile à comprendre: aucune entreprise n’engagerait quelqu’un de moins productif si elle pouvait engager un travailleur plus productif pour le même prix. Par conséquent, la possibilité d’offrir leur travail à moindre coût est la seule arme dont disposent les travailleurs moins productifs.
Milton Friedman au sujet de TESE

“Je suis de votre côté… mais vous ne l’êtes pas!” — Milton Friedman, Economiste

Ce que M. Friedman nous enseigne à travers cette petite pique, c’est que les bonnes intentions ne se traduisent pas forcément par de bonnes politiques économiques. La politique demandée par les mouvements féministes (à travail égal, salaire égal) fournit en réalité un résultat contraire à ce qu’ils cherchent à atteindre. La loi TESE ne résoudrait donc pas le problème des écarts salariaux. Cependant, il s’agit d’une façon efficace d’éveiller les consciences et de réellement amener ce problème sur le devant de la scène politique.

Bien sûr que les femmes devraient avoir le même salaire que des hommes qui occupent les mêmes postes. La vraie question est: comment y arriver sans créer de mauvaises incitations économiques?

Tout d’abord, il est important de démonter une idée reçue: les femmes ne gagnent pas moins que les hommes juste parce qu’elles sont des femmes. Historiquement, l’écart salarial est premièrement né à cause de plusieurs facteurs interdépendants, tels que le taux d’éducation des femmes, l’absence de femmes dans la population active, le regroupement des femmes dans des emplois «féminins», etc. Mais en quelques décennies, les choses ont bien changé. Un grand nombre de facteurs à l’origine de l’écart de rémunération hommes/femmes ont disparu, à l’exception d’un seul: les femmes élèvent les enfants. L’idée que la femme est le principal éducateur de l’enfant demeure dans nos sociétés occidentales. C’est vrai aux Etats-Unis et en Europe. Même dans certains pays scandinaves progressistes. Les enquêtes montrent aujourd’hui que seule une petite fraction de la population pense que les femmes devraient travailler à plein temps lorsqu’elles ont des enfants en bas âge. En ce qui concerne les hommes, les attentes s’inversent: 70% des Américains pensent que les jeunes pères devraient travailler à plein temps. Et même lorsqu’une mère travaille à plein temps, elle consacre en moyenne 9 heures par semaine de plus que son partenaire masculin à la garde d’enfants et aux tâches ménagères. Sur un an, cela équivaut à 3 mois supplémentaires de travail à plein temps. Le point 2) cité précédemment s’avère donc vrai: les femmes sont effectivement moins productives au travail car elles assument la quasi totalité de l’éducation des enfants. On touche là au coeur du problème des disparités salariales entre hommes et femmes.

Comme nous le montre le graphique ci-dessous: les femmes ne gagnent pas moins parce qu’elles sont des femmes. Elles gagnent moins parce qu’elles sont des mères.

Source: “Children and gender inequality: Evidence from Denmark”, National Bureau of Economic Research

Ceci est tout à fait logique d’un point de vue économique. Rappelle-toi: salaire = productivité. Si une femme doit quitter son travail ou considérablement diminuer ses heures de travail afin de s’occuper de son nouveau-né, sa productivité chutera jusqu’à atteindre zéro. La réduction du salaire des femmes est le moyen par lequel les entreprises financent le coût d’opportunité de la maternité. Il existe des études montrant que les femmes qui n’ont pas d’enfants gagnent plus de 0.96$ pour chaque dollar gagné par un homme. Selon Prager University, ce dernier 0.04$ s’expliquerait par une erreur statistique. Je m’explique: l’écart salarial homme/femme est calculé en faisant la différence entre la moyenne des salaires des hommes et la moyenne des salaires des femmes dans un même pays. Ceci étant dit, cet écart ne serait qu’une question de choix de carrière. Par exemple, aux Etats-Unis, les 5 formations qui offrent les meilleurs salaires sont majoritairement représentées par des hommes. Au contraire, les 5 formations qui offrent les moins bons salaires sont majoritairement représentées par des femmes. Les femmes gagneraient donc effectivement en moyenne moins que les hommes, mais cela n’aurait rien à voir avec leur genre. Ce serait leur choix. Tu l’as donc compris: le soi-disant «écart de rémunération entre hommes et femmes» est par dessus tout une sanction de la maternité.

PragerU au sujet du mythe de l’écart salarial.

Les racines de ce problème sont profondément ancrées dans notre vision de la famille, des mères et des pères en tant que société. C’est pourquoi cet écart salarial est si difficile à combler. Et les politiques de type “à travail égal, salaire égal” ne peuvent pas changer cette réalité culturelle. Tant que nous ne considérerons pas les hommes et les femmes comme tout deux parents et travailleurs à parts égales, le marché du travail ne changera pas sa perception des femmes. Aussi longtemps que l’égalité salariale restera un problème de femmes, nous continuerons de renforcer le stéréotype selon lequel la garde des enfants est principalement réservée aux femmes.

Le pays le plus évolué au monde en ce qui concerne l’écart de rémunération entre hommes et femmes est l’Islande. Au début des années 2000, le gouvernement islandais a décidé d’accorder un congé parental aux hommes et en a fait un avantage «à prendre ou à laisser» afin que les nouveaux pères se sentent obligés de le prendre. Ainsi, l’Islande a créé une loi établissant un congé paternité pratiquement obligatoire. Ils ont provoqué un changement dans la culture. Cela a eu un impact considérable sur le marché du travail, car les entreprises s’attendent désormais de toutes façons à ce que le travailleur prenne un congé parental, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Depuis l’adoption de cette loi, l’écart salarial en Islande est passé de 0.80$ à plus de 0.90$ par dollar gagné par un homme. Certes le marché du travail favorise toujours les hommes, mais les progrès sont tout de même remarquables.

Maintenant que tu as compris que l’écart salarial n’est pas tellement un problème de femme, mais surtout un problème de maternité, la dernière question que tu dois te poser est la suivante:

Les hommes et les femmes pourraient-ils devenir égaux en matière d‘éducation des enfants? Les hommes et les femmes pourraient-ils avoir la même relation au travail et à la carrière professionnelle, indépendamment de leur genre?

Ce sont là des questions de société, voire philosophiques. Personnellement, je m’intéresse à l’économie. Je vais donc m’arrêter ici.

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Yann Costa

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